Histoire
Article détaillé : Histoire de l'islamisme.
À la base de l'islamisme d'aujourd'hui[7], on trouve des courants de pensées du XIXe siècle tels que le fondamentalisme musulman (en particulier le wahhabisme) et le réformisme musulman. Ces courants sont nés suite aux questionnements que posent la confrontation à la modernité occidentale et sa domination. Les historiens considèrent également que l'islamisme est né en grande partie du « choc colonial ». Après avoir produit plus d'un millénaire d'empires (califats, empire ottoman, empire safavide, empire moghol), le monde musulman se retrouve en quelques décennies (seconde moitié du XIXe siècle) dépecé et en grande partie placé sous la tutelle des puissances coloniales européennes. Les premiers penseurs de l'islamisme (al-Banna, al-Afghani…) attribuaient cette déchéance à la perte de « valeurs » musulmanes, qui auraient affaibli l'oumma. On peut lire à ce sujet Pierre-Jean Luizard (sous la direction de), Le choc colonial et l'islam.
Certains analystes[8] considèrent que les Frères musulmans, groupe fondé par Hassan el Banna en 1928, seraient à l'origine de l'islamisme. Cette confrérie est le premier mouvement à entrer sur la scène politique pour réclamer l'application de la charia, la loi islamique, dans un premier temps en opposition à l'occupation britannique en Égypte.
Au début des années 1960, Sayyid Qutb, théoricien des Frères musulmans, introduit les notions de rupture par rapport à la société impie et de reconquête. C'est dans ces écrits que certains groupes islamistes trouvent la justification théorique de l'usage de la violence pour islamiser les sociétés moyen-orientales.
À partir de la fin des années 1960, s'accumulent des faits historiques, idéologiques, économiques et sociaux qui peuvent expliquer le développement de l'islamisme :
- La défaite des pays arabes contre Israël, lors de la Guerre des Six Jours, marque la fin de l'idéologie nationaliste arabe et de l'influence de Nasser dans le monde arabe et l'affirmation de l'Arabie saoudite salafiste ;
- Les années 1970 se caractérisent dans de nombreux pays de l'espace musulman par une libéralisation économique auquel il est reproché de porter atteinte à l'aide sociale, aux services publics et, plus globalement, d'accroître les inégalités de niveau de vie ;
- Les dirigeants des principaux pays perdent ainsi la légitimité historique (perte due à la décolonisation), la légitimité idéologique, la légitimité économique. On peut concevoir la mouvance islamique comme un mouvement d'opposition politique dans un contexte souvent non démocratique ;
- La hausse des cours du pétrole à partir des années 1970 favorise les gouvernements de certains États (Arabie saoudite puis Iran en particulier), qui peuvent financer l'islamisme pour étendre leur sphère d'influence sur d'autres États (qui peuvent à leur tour adopter des doctrines islamistes pour résister à la pression) ;
- La guerre indo-pakistanaise de 1971 conduit les militaires pakistanais, soutenus par l'Arabie saoudite, à encourager la propagande islamiste sunnite. Cette tendance se renforce après l'invasion soviétique de l'Afghanistan en 1979.
- La révolution islamique, en Iran, de 1979, entraînant l'instauration de la république islamique montre la capacité mobilisatrice de l'islamisme ce qui conforte les islamistes dans leur espoir et inquiète en Occident.
- La guerre civile libanaise, plus politique que religieuse à l'origine, va aussi devenir un foyer d'activité islamiste.
- La décennie noire en Algérie oppose, à partir de 1991, le gouvernement algérien et divers groupes islamistes intégristes qui attaquent au début l'armée et la police, puis les civils.
Les décennies suivantes sont marquées par des actes terroristes spectaculaires. Il ne faut cependant pas oublier qu'ils sont l'œuvre de groupes minoritaires, souvent condamnés par des mouvements islamistes dits « modérés ».
Mouvances islamistes
Article détaillé : Islamisation.
Le projet politique islamiste repose sur le choix et l'interprétation des textes qui constituent la charia (le Coran et la sunna, la jurisprudence). Il existe diverses manières d'interpréter les textes, ce qui explique en partie l'existence de plusieurs courants islamistes dont les discours divergent.
Islamisme et traditionalisme
Le traditionalisme dépasse largement l'islamisme, c'est un discours lié à la tradition, pas forcément à la tradition musulmane. Il renvoie à tout ce qui est conservateur, nostalgique du passé. Ce dernier concept puise souvent dans la religion, où se trouvent des éléments sur la moralité des mœurs. Le traditionalisme musulman est ainsi plutôt un islamisme.
« Islamisme » et « fondamentalisme »
Le « fondamentalisme » participe largement à la démarche islamiste en cherchant à effectuer un retour aux fondements de la religion, et à la période des quatre premiers califes.
Le terme « fondamentalisme » était utilisé dans le monde anglophone avant de l'être par emprunt dans le monde francophone. Mais dans ce dernier, dès la fin des années 1970, reviendra à l'usage du terme « islamisme », libéré de son usage ancien, pour désigner les nouveaux mouvements d'une part à cause de ses origines prestigieuses – Voltaire – et d'autre part du fait de la trop grande spécificité du terme « intégrisme » dans un contexte catholique. Le terme français, dans sa nouvelle acception, apparaitra à son tour dans le monde anglophone à partir du milieu des années 1980 pour devenir progressivement un synonyme de « fondamentalisme »[2].
Ces usages seront débattus tant par les chercheurs français que leurs homologues anglophones – particulièrement américains. En France, dans les années 1990, on verra l'émergence des termes « postislamisme » – sous la plume d'Olivier Roy – et « néofondamentalisme », courant dont les tenants se consacreraient désormais à une islamisation de la société à la suite de l'échec des courants islamistes à s'emparer du pouvoir[2].
Bernard Lewis rejette le terme fondamentalisme qu'il juge imprécis et fallacieux. Il précise la différence entre fondamentalistes et musulmans : les fondamentalistes souhaitent rétablir la charia et un État islamique, ils dénoncent l'adoption de « lois infidèles » ainsi que la modernisation sociale et culturelle de la société[9].
Conservateurs et réformistes
Selon le Monde Diplomatique, les islamistes eux-mêmes se divisent en deux catégories[10] : les « conservateurs » et les « évolutionnistes ».
Fondements de l'islamisme
Ébauche des principes de l'islamisme
Les principaux points défendus par certains islamistes sont l'instauration de la charia (jurisprudence islamique), l'unité du monde musulman et, en particulier, le retour au califat par le mérite, ainsi que l'élimination de toute ingérence non-musulmane (principalement occidentale)[11].
Critiques
Le terme islamisme est critiqué. D'abord les personnes désignées comme islamistes (par exemple Abbassi Madani et Mohammad Hussein Fadlallah) soutiennent que l'islam et l'islamisme sont une même chose et que le terme qui les définit le mieux est musulman[2].
À l'instar de quelques auteurs et de quelques polémistes, dans son ouvrage Soufi ou mufti ? Quel avenir pour l'islam[12], l'islamologue française Anne-Marie Delcambre estime, quant à elle, que « islamisme » et « islam » désignent une réalité indistincte, posant que la nouvelle acception du terme « islamisme » – l'acception politique – puiserait sa source dans l'affirmation du juriste égyptien, Muhammad Sa'id al-'Ashmawi, qui avait déclaré que « Dieu voulait que l'islam fût une religion, mais les hommes ont voulu en faire une politique »[13]. Elle voit ainsi dans l'islam et l'islamisme une forme de continuité, une réalité inchangée, proposant une vision à laquelle s'oppose son préfacier américain, le journaliste Daniel Pipes qui argue, lui, que l'islamisme est une « manifestation spécifique, moderne et extrémiste de l'islam » s'inscrivant dans une réalité évolutive[14].
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